Dans cette interview, l’ancien défenseur du PSG et de la sélection de la Martinique, Thierry Tinmar se remémore son parcours professionnel en France et ses succès dans le football martiniquais.

Tu es issu du centre de formation du Paris Saint-Germain. A cette époque, comment se passaient les détections de clubs ?

« Disons que mon cheminement est très différent des autres joueurs. J’avais quand même 21 ans lorsque j’ai intégré le centre de formation du PSG. Le club m’a recruté dans les années 1984 – 1985. A la base j’étais venu faire des essais au mois de février en 1984. D’ailleurs, ils ont été concluants. En juillet, j’intégrais le centre de formation du Paris Saint-Germain. En Martinique je jouais en défense à l’Aiglon du Lamentin. »

En France, tu as évolué au PSG, à Laval, au Red Star et à Châteauroux… Qu’est-ce que tu retiens de ton parcours en tant que joueur professionnel ?

« Ce que je retiens déjà, c’est d’avoir eu la chance d’avoir pu réaliser ce parcours. En Martinique, il y a beaucoup de joueurs qui ont essayé d’être footballeurs professionnels mais ils n’ont pas réussi… Ma carrière s’est passée très vite et elle s’est dégradée très vite aussi, notamment à cause d’une blessure que j’avais à la cheville.

En fait, je suis arrivé au centre de formation du PSG en juillet et au mois de septembre, j’étais déjà dans l’effectif des professionnels. C’est vraiment une expérience à vivre. J’ai découvert tous les niveaux du football (amateur à professionnel). J’ai même été aux portes de l’équipe de France espoirs. Donc ce que je retiens c’est que j’ai appris beaucoup de nouvelles choses en jouant au football. Je pense que si j’étais resté en Martinique, je n’aurais jamais connu tout ça. »

En fin de carrière, tu rentres en Martinique à l’Aiglon du Lamentin… Quels sont tes grands souvenirs du football local ?

« Au niveau du football local, j’ai pratiquement tout gagné, en club tout comme en sélection… En 1983 avant de partir à Paris, avec la sélection de la Martinique, j’ai été champion de la Caraïbe. Une compétition organisée à l’époque par l’Union caribéenne de football et la CONCACAF. D’ailleurs, lorsque je suis revenu en Martinique, j’ai même regagné la coupe en 1993. Avec l’Aiglon et le Club Franciscain, j’ai remporté le championnat, la coupe de Martinique et la coupe de France (zone Martinique). Donc j’ai connu beaucoup de sensations au cours de ma carrière, on dira. »

Zaïre, Tinmar, Lagier, Fondelot, Coridon, Narcisse, Bellemare, Valide, Modestin, Anthonin, Sophie

Avec la sélection de la Martinique, tu as donc gagné la 11e édition de la Coupe de la Caraïbe et tu as même participé à la première Gold Cup de l’histoire des Matinino, en 1993. Qu’est-ce que tout cela représente pour toi ?

« Cela montre que j’ai connu beaucoup de joie au niveau du football local et même avec la sélection de la Martinique. J’ai eu la chance d’être présent au bon moment. En 1993, on est champions de la Caraïbe pour la troisième fois de notre histoire (2e fois en 1985) et on participe à notre première Gold Cup au Mexique, même si on est éliminés au premier tour. Nous étions principalement des amateurs et nous étions dans le groupe de grandes nations tels que le Mexique, le Canada et le Costa-Rica. Le Mexique sortait en plus de la Coupe du Monde de 1986 où ils étaient arrivés jusqu’en quart de finale… Et on prend 9 buts à 0 ! Ce genre de défaite fait partie quand même de l’expérience d’un joueur et c’était bénéfique pour moi. »

Tu as vécu la plus large défaite de l’histoire de la sélection de la Martinique face au Mexique (9-0). Qu’est-ce qui était difficile face aux Mexicains, à cette époque ?

« Il n’y avait pas photo ! Ils étaient tout en confiance. Ils sortaient d’une très bonne Coupe du Monde en 1986 où ils sortent aussi avec les honneurs (en 1990, le Mexique est suspendu). Il faut dire aussi qu’on n’avait pas fait une grosse préparation pour la Gold Cup. Comme c’était la première fois que la Martinique jouait cette compétition, on y allait pour vraiment participer, comme on dit… Mais sans plus. On n’avait pas les mêmes prétentions qu’aujourd’hui. On ne pensait même pas passer le premier tour, à l’époque. »

Mais aussi, suite au match nul contre le Canada (2-2), tu as marqué un but contre le Costa-Rica. Malgré la défaite (3-1), te sentais-tu fier ?

« Oui tout à fait ! Je me sentais fier de représenter la Martinique. Je revenais de la France donc je partageais mon expérience aux autres joueurs. Déjà jeune, Charles-Edouard Coridon en avait pas mal aussi. D’ailleurs il ira évoluer à Guingamp, après la compétition. Mais ça m’a fait vraiment plaisir d’amener mon expérience aux joueurs locaux. »

Aujourd’hui, quelle est la grande différence entre la sélection de la Martinique de 1993 et celle de 2019-2020 ?

« Aujourd’hui, au moins un tiers des joueurs titulaires de la sélection provient de l’Europe. A notre époque, on était tous des joueurs locaux. C’est la grande différence. Après, c’est bien aussi de faire venir des joueurs extérieurs pour faire monter le niveau. Mais je pense que mettre trop de joueurs extérieurs ne permet pas vraiment de faire évoluer tant que ça le niveau… »

Enfin, qu’est-ce que tu deviens désormais dans le monde du football et quels sont tes objectifs ?

« Je suis au club de football de l’ASPTT du Lamentin où je m’occupe des U15, à Mangot Vulcin. Cela fait deux ans maintenant que je suis là. J’essaye donc de participer à la formation des joueurs. Nous, notre problème en Martinique, c’est le mental et nous n’avons pas vraiment les éducateurs qualifiés aussi. Pour moi, on recherche trop la gagne. On ne cherche pas réellement à former le joueur pour ensuite qu’il arrive au niveau séniors et qu’il puisse s’épanouir. On apprend au joueur de gagner à tout prix. Et lorsqu’il arrive en séniors, il lui arrive d’abandonner puisqu’il n’a pas eu la formation qu’il faut pour pouvoir perdurer. Donc je pense que c’est la formation qu’il faut qu’on travaille chez nous. »