Cette saison, le football féminin en Martinique subit de grandes difficultés sportives et administratives. Selon nos informations, certaines joueuses ne savent plus où aller. Éducateur de jeunes footballeuses à l’Assaut, Kévin Gabriel-Régis tire la sonnette d’alarme.

Interview de Kévin Gabriel-Régis, responsable de la section féminine jeune (U6 à U15) à l’Assaut de Saint-Pierre :

Des matchs de championnat en foot à 8… Des matchs de coupe en foot à 11… En tant qu’éducateur, quel regard portes-tu aujourd’hui sur le football féminin en Martinique ?

“Je pense que le football féminin est en difficulté depuis pas mal d’années. Beaucoup d’équipes déclarent forfait avant les rencontres et les clubs qui arrivent disparaissent assez rapidement. Je n’ai pas compris cette formule de foot à 8. En coupe de Martinique, il y avait 8 équipes en lice. Pourquoi n’avoir pas fait un championnat avec ces 8 équipes dès le départ. Les autres clubs auraient pu faire du futsal, par exemple, pour pallier leurs difficultés sportives et administratives.”

Selon toi, cette formule de foot à 8 chez les seniors fait-elle régresser le niveau du football féminin ?

“Oui, je pense que le foot à 8 fait régresser le niveau du football féminin. Les joueuses ne sont pas motivées. Il y en a beaucoup qui ne veulent pas jouer à 8. À l’Assaut de Saint-Pierre, une joueuse ne joue plus à cause du foot à 8 et certaines pensent que ce Challenge a tué le football féminin.”

Mais, pouvons-nous dire au moins que jouer à 8 en seniors est une bonne transition pour les jeunes de 15 ans ?

“Certaines filles âgées de 15 ans jouent parfois en mixité en foot à 11. Pour moi, ce n’est pas forcément une bonne transition.”

Quelle serait donc la formule idéale pour redynamiser le football féminin en Martinique ?

“La formule idéale serait d’avoir une élite R1 et un championnat de R2. On pourrait commencer un championnat avec toutes les équipes au départ pour ensuite dégager une élite. Les équipes en sous-effectif doivent faire des ententes, comme au Handball à l’heure actuelle. Mais pour moi, l’avenir du football féminin passe par la formation des jeunes. Il faut créer des sections jeunes exclusivement féminines de 6 à 15 ans. À l’Assaut de Saint-Pierre, c’est actuellement le cas et on prépare l’avenir. Je pense que les autres clubs devraient s’y mettre sérieusement. Beaucoup de filles ne souhaitent pas jouer en mixité. Imaginez-vous un championnat avec que des jeunes filles de 13 ans et de 15 ans. Les équipes en séniors ne seraient pas en sous-effectif ensuite.”

D’ailleurs, comment trouves-tu le niveau des jeunes et aussi celui des seniors en Martinique ?

“Chez les jeunes, il y a un très bon niveau. On voit les résultats de la sélection de Martinique U15. Il y a une section féminine au collège de Belle Étoile à Saint-Joseph et l’une également au lycée de Bellevue mises en place par la Ligue de Football. La Conseillère Technique Régionale en charge du développement et de l’animation des pratiques, Charlaine Marie-Jeanne fait du bon boulot à ce niveau. Chez les seniors, le niveau n’a pas régressé mais il n’a pas progressé non plus et sombre dans la monotonie. Pour juger le niveau, il faut que la sélection de Martinique, en sommeil, fasse des matchs. Il faut un championnat des clubs champions des Antilles-Guyane. Il faut aussi que nos clubs participent à la Coupe de France. Je n’ai toujours pas compris pourquoi on ne joue pas cette compétition d’ailleurs.”

Des filles comme Ludmila Gaydu (Émulation), Séïna Clavos (Club Franciscain) ou encore Eden Dincuff (RC Saint-Joseph) sont des jeunes à fort potentiel en Martinique… Mais, peuvent-elles toujours devenir pros dans ce contexte actuel ?

“Ces joueuses citées, je les connais très bien. Ludmila, je l’avais envoyé faire un essai à l’AS Saint-Étienne. Elle est passée par le centre de formation du Havre. J’envisage de l’envoyer faire des essais à Montpellier et au Paris FC. Eden, elle part faire un essai à Montpellier en janvier. Séïna est technique, détient pour moi l’une des plus grosses frappes de l’île et fait partie des espoirs du football local. Je suis en contact avec les 3 clubs cités. C’est vrai que le contexte est difficile pour elles. Elles sont en manque de rythme et là-bas il y a beaucoup de pôles et de centres de formation où on s’entraîne au quotidien avec compétition tous les week-ends. Avec une bonne préparation physique et surtout mentale, ça peut passer. Mentalement, on pêche à ce niveau. Il faudrait voir un psychologue sportif avant leurs départs.”

Enfin, as-tu d’autres revendications pour le football féminin en Martinique ?

“Oui. Les filles sont souvent livrées à elles-mêmes. Il faut que les dirigeants prennent cette pratique sportive au sérieux. Ce n’est pas toujours le cas puisqu’ils portent plus d’attention aux équipes masculines. Pour moi, il faut plus de formations au niveau des cadres du football féminin. Je pense que la Commission Régionale de Football Féminin doit faire les assises du foot féminin assez rapidement, par exemple dès janvier, pour chercher ensemble les remèdes et sortir de ce marasme… pour notre football féminin qui est sous perfusion.”

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