La passionnée et joueuse de foot, Anne-Charlotte Henriette a mis le football entre parenthèses, en fin d’année 2022, principalement pour des raisons de santé. Epileptique, elle se confie sur sa pathologie au sein d’une discipline parfois considérée comme un traitement adjuvant de l’épilepsie.

L’épilepsie est une maladie neurologique chronique définie par la répétition spontanée de crises, provoquées par l’hyperactivité d’un groupe de neurones dans le cerveau. Une crise d’épilepsie, en gros, c’est comme si le cerveau était soudainement soumis à une sorte d’orage électrique et cessait de fonctionner normalement… Au quotidien, cette pathologie est difficile et démoralisante. Passionnée de foot, Anne-Charlotte Henriette, qui a sa licence au Club Franciscain, se confie sur sa maladie.

Interview d’Anne-Charlotte Henriette :

Tu es épileptique et on te connaît principalement comme joueuse de foot. À quoi ressemble le quotidien d’une footballeuse qui souffre d’épilepsie ?

“Le quotidien d’une footballeuse épileptique n’est pas compliqué si on respecte bien le protocole. Ce protocole se résume à : ne pas oublier de prendre son traitement ; bien dormir avant l’effort physique ; bien manger avant l’effort physique et surtout éviter toute période de stress. Pour éviter les crises, je prends plusieurs médicaments car mon traitement est assez lourd. D’abord, l’Épitomax, le Lamictal, le Laroxyl et enfin l’Urbanyl.”

Quelles difficultés comporte cette maladie quand on joue au foot ?

“Il faut savoir que l’épilepsie est une maladie où il faut savoir gérer ses émotions et surtout le stress, ce qu’on rencontre souvent lorsqu’on fait de la compétition. Le trac d’avant match ou même la frustration d’une défaite sont des facteurs pouvant favoriser une crise, donc le fait de ne pas savoir les gérer est une grosse difficulté.”

As-tu déjà été victime d’idées reçues ? T’a-t-on déjà dit par exemple : “T’es épileptique, on n’accepte pas ces personnes-là sur le terrain” ?

“Non, je n’ai jamais été victime de ce genre de remarques. Le football féminin en Martinique est petit, malheureusement d’ailleurs, on se connaît pratiquement toutes et on sait que je suis malade. Les joueuses savent déjà à quoi s’attendre avec moi.”

As-tu déjà fait une crise d’épilepsie en plein match ?

“À la fin d’un match, beaucoup de fois. En plein match, non. En tout cas, je fais en sorte d’éviter cela. Je fonctionne selon la décision du coach et du temps de jeu qu’il aura prévu pour moi. J’appelle ça le 45-90 (rires). À chaque mi-temps, je prends mon traitement, je l’ai toujours sur moi, traitement que je renouvelle à la fin du match et jusqu’à maintenant je n’ai jamais eu de crise pendant un match.”

Quelle crise d’après match t’aura le plus marqué ?

“De ce que je me rappelle, je jouais encore à l’US Lorrinoise, c’était un match contre le Club Colonial. On menait 1 but à 0 et ce score ne me satisfaisait pas. J’avais une énorme pression ce jour-là car il y avait mon père dans les tribunes. Elles avaient égalisé ce jour-là 30 secondes avant la mi-temps. Mon père est descendu me parler en me disant que même après avoir centré mon ballon il fallait continuer ma course. Je n’avais pas digéré le but et surtout l’idée qu’on pouvait perdre un match qu’on dominait a pris le dessus. J’étais donc frustrée et énervée. J’ai commencé à ressentir un point dans la poitrine, l’arbitre siffle et là je m’effondre. Détresse respiratoire, convulsions, perte de connaissance et puis la suite logique : l’hôpital.”

D’une manière générale, comment gères-tu les crises ?

“J’ai ce qu’on appelle une épilepsie incontrôlée, tant sur le plan médicamenteux que physique. C’est-à-dire que mes crises, je ne les gère pas, ou du moins je n’y arrive pas encore. Je les sens venir dû à la manifestation de certains symptômes, ce qui me permet d’avoir le temps de prévenir quelqu’un, mais une fois dedans c’est l’hôpital.”

Aujourd’hui, tu as une licence au Club Franciscain et pourtant, on ne te voit plus sur les terrains… Pourquoi ? La santé avant tout ?

“Je pense que c’est la question qui me touche le plus car quitter la Gauloise pour signer au Club Franciscain était pour moi un moyen de sortir de ma zone de confort, d’aller me confronter à un niveau plus élevé, comme me l’a SOUVENT répété mon père, pour vraiment voir de quoi j’étais capable. Ce choix n’était pas non plus basé que sur le football, il était aussi important par rapport à ma maladie car cela devait me permettre de pouvoir gérer la peur de l’inconnu. Malheureusement, l’épilepsie a encore une fois eu raison de moi et a engendré un autre problème de santé qui m’a fait dire au revoir, mais pas adieu je l’espère, à nos terrains. Si ça ne tenait qu’à moi, jouer ne serait-ce que 20 minutes par match m’aurait suffit sauf que mes parents et les docteurs n’étaient pas du même avis. Donc, finalement oui, la santé avant tout.”

Que représente le football pour toi et quel est ton modèle dans la vie ?

“Me concernant, le football est d’abord une histoire de famille, entre mes oncles et mon père qu’on connaît bien, je n’ai pas eu d’autres choix que d’aimer ce sport. Il est très vite devenu un moyen de décompression, d’épanouissement personnel, l’endroit où l’on apprend de la vie tout en s’amusant. Sans aucune réflexion, mes modèles sont : ma mère et mon père.”

Quelle est la suite pour toi ? Quels sont tes grands rêves et objectifs dans le cadre du football ?

“Pour ma part, je ne désespère pas et j’attends qu’on me donne le feu vert pour reprendre là où je me suis arrêtée. Dans le cadre du football, mon « Grand Rêve » est lié à mon objectif qui est sans aucun doute d’être l’une des actrices du développement du football féminin en Martinique, un peu à la Charlaine Marie-Jeanne.”

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