Ancien footballeur professionnel et international martiniquais, Frédéric Piquionne (consultant à RMC Sport) nous parle de la sélection de la Martinique et de ses difficultés à faire venir des joueurs professionnels d’Europe capables d’élever le niveau de jeu des Matinino. Entretien :

D’après certaines rumeurs, tu aurais changé de fonction dans ton travail pour la sélection de la Martinique. Peux-tu nous définir ton rôle actuel ? Es-tu toujours manager général des Matinino ?

“Non, je ne suis plus manager général de la sélection. On a essayé de définir un autre rôle. Manager de la Martinique était un nom un peu trop global. Là, avec le président Samuel Pereau, on a convenu que je serai plutôt recruteur de joueurs professionnels pour la sélection”.

En Concacaf Nations League (CNL), la sélection de la Martinique a fait deux matchs nuls contre Trinidad (1-1 à Fort-de-France, puis 2-2 à Port of Spain). Comment as-tu trouvé l’équipe martiniquaise et comment analyses-tu les deux rencontres ?

“Je pense que c’est une grosse performance de la part de nos joueurs martiniquais, parce qu’on a essayé d’intégrer quelques joueurs extérieurs professionnels mais qui n’ont pas pu venir. Mais finalement, ceux qui sont venus se sont très bien intégrés. Ils ont pu apporter leur expérience et surtout leur pierre à l’édifice puisque sur le premier match c’est Cyril Mandouki qui marque. Ensuite, sur le deuxième match, il ne restait que deux joueurs professionnels, Julio Donisa et Jordi Delem.

Ainsi, je pense que le niveau martiniquais est en plein essor. On le voit par les performances de l’équipe. La Gold Cup a été une réussite pour moi. Même si le premier match a été compliqué, les rencontres d’après ont été très bonnes. Cela a été un plaisir de voir jouer la Martinique. Donc, on continue la construction de cette équipe avec les moyens et les joueurs que nous avons. Pour moi, en CNL, c’était deux résultats positifs. Maintenant, il faut continuer sur cette lancée car contre le Honduras, ça va être aussi deux gros matchs”.

D’après-toi, la Martinique devrait progresser dans quel domaine ?

“On veut progresser dans tous les domaines. De toute façon, c’est toujours ça l’idée. Mais le domaine où on est très bien c’est au niveau de l’état d’esprit. Même si certaines personnes ne voient pas l’équipe aller de l’avant, je tiens à souligner qu’on a fait deux résultats exceptionnels en CNL. Rappelons que Trinité-et-Tobago est une équipe qui a un championnat semi-professionnel. C’est une équipe qui a participé dernièrement à la Coupe du monde (en 2006). Et pareil pour le Honduras en 2010 et 2014. Donc, faire des performances et jouer contre ces équipes-là, c’est quand même très fort. Dans ces sélections, il n’y a pratiquement que des joueurs professionnels qui évoluent ensemble depuis un moment. Notre équipe se battit et continue à faire progresser son collectif. Il y a des joueurs qui sont là depuis longtemps et des nouveaux qui arrivent quand même à pointer le bout de leur nez. La Martinique reste une équipe compétitive. Et tout ça, c’est grâce au travail de Mario Bocaly, de Fabrice Reuperné et du staff martiniquais qui sont là pour aider l’équipe à rester dans le haut niveau. C’est ça qui est important”.

La prochaine rencontre en CNL des hommes de Mario Bocaly sera le 13 octobre au Honduras quel sera l’objectif des Matinino lors de ce déplacement ?

“L’objectif reste toujours le même. On est toujours dans cette optique-là, c’est gagner. Donc on voudra gagner au Honduras. On ne va pas se cacher et jouer petit bras. L’objectif est de gagner en faisant le plus gros match possible et créer l’exploit. Et, je pense que Mario Bocaly sera d’accord avec moi”.

Travaillez-vous, Mario et toi, sur des profils de joueurs professionnels ? Il y en aura-t-il davantage, par rapport à Trinidad, pour le match face au Honduras ?

“Mario et moi, on travaille toujours en étroite collaboration. Il m’a fait parvenir une liste avec des priorités. On va essayer de travailler là-dessus. D’ailleurs, on a déjà commencé. Certains joueurs professionnels ont déjà dit oui. Donc on va continuer à travailler. Mais on va rester sur notre logique aussi. Il n’y aura pas 10 ou 12 joueurs professionnels dans l’équipe. Il y en aura juste sur des postes bien précis. En l’occurrence, l’attaquant de pointe parce que ça nous a fait défaut sur les deux matchs contre Trinidad. Mais ça sera des garçons qui vont nous apporter encore une fois leur qualité et surtout des garçons qui se fondront dans le collectif de la sélection martiniquaise”.

Un attaquant comme Anthony Modeste pourrait-il venir en sélection de la Martinique ? Est-ce possible ?

“On essaye de le faire venir. À chaque convocation on envoie un courrier. On a pas mal de refus. Mais on essaye. On continue à travailler. On continue à faire en sorte que même les clubs de Ligue 1 nous passent des joueurs. Ce n’est pas facile même si je connais la plupart des coachs et directeurs sportifs… Mais ce n’est pas facile parce que ce sont des joueurs qui jouent en général dans leur club. Donc pour leur faire comprendre qu’il faut faire 12 heures de vol et le retour, c’est un peu compliqué. Surtout que le premier match au Honduras je crois qu’on est obligés de rentrer le mercredi. Certains joueront le vendredi en Ligue 2 et samedi ou dimanche en Ligue 1. Comme on n’est pas affiliés à la FIFA, ce n’est pas obligatoire, et les clubs sont réticents malgré le fait qu’on ait de bons résultats et qu’on joue contre de très bonnes équipes. Il y a certains qui ne sont pas enclins à nous laisser les joueurs, et ce, même s’ils veulent venir”.

Enfin, les présidents des clubs professionnels en France et en Europe, les journalistes d’RMC, et les anciens joueurs antillais comme Thierry Henry par exemple… Quels avis portent-ils sur la sélection de la Martinique ?

“Ils portent des avis positifs. On est encore un petit poucet. Donc tout ce qui fait qu’on crée l’exploit est relayé, lu et applaudi par les anciens. Il n’y a pas que Titi (Thierry Henry). Il y a Nicolas Anelka aussi qui nous suit beaucoup. Même Wendie Renard ! Aujourd’hui, du fait de mon travail à RMC, j’essaye de faire connaître la Martinique. Et je pense que ce n’est pas fini. Il faut qu’on continue à avoir de la visibilité et cette dernière viendra par nos résultats. Si on arrive à rester en Ligue A de la CNL et à se qualifier pour la Gold Cup, peut-être que la prochaine fois il y aura davantage de caméras sur nous. Peut-être qu’il y aura RMC ou d’autres médias. On ne sait jamais. Mais il faut qu’on continue ce petit bonhomme de chemin. C’est dur ! On rame ! Mais, le staff est compétent. La ligue de football de la Martinique essaye de faire du mieux possible. C’est tout un groupe et des membres qui œuvrent pour que la sélection vive et survive aussi”.